J’enseigne depuis plus de 20 ans. J’ai connu des publics très différents : enfants, ado, adultes. J’ai travaillé dans des cadres différents : école, entreprise, association. J’ai exercé sur différents continents : France, Pérou, Congo.
Une chose me frappe cependant : malgré la diversité des publics et des contextes, la question de la transmission des savoirs se pose toujours de la même façon !
Est-ce qu’enseigner c’est inviter l’élève à imiter (jusqu’à ce qu’il finisse par apprendre à faire par lui-même, peut-être mieux que le professeur) ? ou est-ce que enseigner c’est inviter l’élève à vivre une expérience singulière ?
L’enseignement du Yoga a cela de fascinant et de paradoxal que l’enseignement du yoga est avant tout une histoire de ressenti indivudel mais…dans le cadre d’un enseignement collectif.
Alors ? Que dire de cette étrangeté ? Que se passe-t-il dans le corps et dans la tête de mon élève ? Comment savoir si ce que je propose fait mouche ou fait flop ?
J’ai souvent été surprise, dans ma première carrière d’enseignante en lycée, par ce paradoxe : les élèves s’enthousiasmaient et étaient marqués par des élèments du cours qui pouvaient me sembler mineurs. Autrement dit, ce qu’on transmet ne nous appartient pas et c’est bien celui qui reçoit qui donne ses lettres de noblesse à notre enseigenement.
Dans un cours de yoga, je peux être très enthousiasmée par un aspect particulier du cours (un enseigement théorique qui me touche ou un élément technique d’une posture que je trouve central). Pourtant, mon élève peut retenir quelque chose de complétement périphérique (à mes yeux !). Il peut, par exemple, être très sensible à l’atmosphère, à l’énergie générale ou à un détail « routinier » de la pratique que je propose.
Ainsi, l’enseignement ne peut jamais être totalement imitation : l’enseignant qui imite son maître et qui invite ses élèves à reproduire mécaniquement ce qu’il aura appris, ne peut laisser la place suffisante à l’apprentissage, dans toute la noblesse et la force de découverte de soi que cela suppose.
Le premier devoir d’un enseignant de yoga ? Mettre consciemment l’expérience de l’élève au centre de son travail. Je dois donc aigiser mon oeil à voir mon élève, à laisser une place immense à son expérience (et non pas plaquer mon ressenti, mes concepts, mes compréhensions du moment).